[RP] Conseil de crise pour lutter contre Sérébor

Inoë tournait en rond comme un lion en cage à côté de la table. Une carte de la région trônais au milieu de l'écritoire, raturé d'un gros trait bleu par le milieu...

Une série de pieces d'argile gisaient sis à la carte, représentant les troupes de Sérébor et de l'alliance, prêtes à servir à analyser les tactiques potentielles. Seul le retour des éclaireurs et des courriers d'Arnapole et de Aelios permetrait de constituer une stratégie efficace. Malgré cela, Inoë avait tout de même proposé son aide a Medraut, du fait de sa formation militaire auprès des Vandires.

[Deuxième jour, fin de matinée]

Suite à sa discussion houleuse avec Inoë, Medraut avait oublié la raison principale de sa visite : transmettre au Guide les rapports de ses éclaireurs afin d'en discuter avant d'en faire un résumé à Kellen et Fa-Aenor à la réunion de midi. Cela ne l'avait pas empêché d'y repenser pendant la petite heure passée à inspecter les pièges de fortune installés par la population. Une heure qui lui avait donnée la nausée tant leurs efforts lui paraissaient vains. Si chaque piège fonctionnait, combien d'hommes de Ptolémor emporterait-il ? Un ? Deux ? Trois au grand maximum, avec une cheville cassée ? Une goutte dans la mer ! Quant à Aelios, personne ne pouvait prévoir la réaction de Léonéliam lorsqu'il apprendrait que sa fille avait déguerpi et qu'on ne l'avait pas encore retrouvée. Les éclaireurs qu'ils avaient envoyés n'étaient pas encore revenus, mais Medraut connaissait assez la forêt pour savoir que Ptolémor n'était pas la seule menace qui y trainait.

Il entra sans enthousiasme, les deux parchemins roulés dans la main gauche. Il y avait des gens, là haut à Arnapole, qui trouvaient que la guerre était un jeu passionnant et qui y jouaient à coup de grandes stratégies comme on joue aux échecs. Il y a quelque mois de cela Medraut avait rangé Inoë dans cette catégorie de dangereux illuminés, mais à présent qu'on lui confiait pour la deuxième fois de sa vie une armée destinée à crever, il se disait qu'aller crever à plusieurs n'était pas forcément une si mauvaise idée.
Au moins, on accuserait quelqu'un d'autre, pour changer.

Il tira une chaise sans se soucier du grand raclement que produisit sa rencontre avec le plancher puis s'assit avec un manque d'élégance caractérisé.

"Dites moi franchement, Inoë. Mettriez vous votre tête à couper que je suis bien le fils de Gartouro Vandire ?"

Inoë, étonné, cessa immédiatement de faire les cent pas.

"Quoi ?"

Ils étaient en passe de se faire rouler dessus par l'armée de Sérrébor et Medraut, leur chef d'armée, ne se souciait que de remuer cette histoire ? Beau sens des priorités !

"Tu es sourd ou c'est une question rhétorique ?" répliqua sèchement Medraut.

"C'est juste que je ne m'attendais pas a cette question," expliqua Inoë d'une voix posée. "Mon don ne m'a jamais fait défaut vous savez...
-D'accord," coupa Medraut. "C'est important à savoir. Je pense que vous savez que l'armée Vandire ne se déplace en masse que pour les membres du clan Vandire ?
-Je sais. Je sais aussi que la flotte Vandire est stationnée au nord de la ville... peut être ont ils réussi a en rapatrier une partie sur Ambrivière ?
-Je ne sais pas."

L'officier marqua une pause, le temps de lever les parchemins vers Inoë.

"En tout cas, j'ai les chiffres pour Sérrébor et les Médicis. Je n'ai pas encore ceux d'Aelios. Quant aux Vandire, ils envoient généralement entre deux et quatre régiments. Si les premiers jours ne jouent pas en notre faveur, j'ai peur que ça ne suffise pas. S'ils envoient toute l'armée, par contre...
-Je pense qu'une partie des Vandire peuvent arriver avec les troupes d'Aelios, car les Vandire ont des garnisons dans un certain nombre de ville. Je pense qu'Aelios ne fait pas exception.
-Voyez par vous même.

Medraut lui tendit sombrement les deux rouleaux de parchemin. Inoë les déroula l'un après l'autre, son expression se faisant de plus en plus tendue à mesure qu'il déchiffrait l'orthographe parfois hésitante des éclaireurs. Il relu plusieurs fois, puis enroula proprement les deux feuilles, les posa sur la carte avec des gestes lents.

"Il nous faut absolument le soutiens de nos alliés, sans eux nous sommes fichu...
-Bel esprit de déduction," rétorqua Medraut.
"En revanche," continua Inoë comme si l'autre n'avait rien dit, "il y a certaines choses que nous pouvons déjà faire. Tout d'abord, réduire leurs armes de sièges au silence, une mission risquée, mais qui pourrait prolonger la durée de vie de notre muraille C'est une chance de survie que nous ne devons pas laisser passer mais il faudrait le faire avant que l'armée ne soit à nos portes.
-Ajoutez qu'il nous faudra être informé de la position de Ptolémor.
-Et que pensez vous de l'armée de Medicis?"
Medraut répondit immédiatement :
"Nous devrions l'affronter séparément.
-Je suis une fois de plus d'accord avec vous, mais l'armée des Médicis ne ressemble pas être une armée de siège...
-Non. C'est de la cavalerie, uniquement de la cavalerie. Elle est moins nombreuse et arrivera plus tôt.
-Mais lorsqu'on veux attaquer quelqu'un, on s'arrange pour l'attaquer en simultané, et en veillant a avoir de quoi soutenir un siège...
-C'est pour cela que je pense qu'ils se rejoindront à un point fixé en dehors de Haven, à moins qu'ils nous estiment assez faibles pour pouvoir camper tranquillement à nos portes en attendant l'arrivée de Ptolémor.
-Les Médicis sont prétentieux mais pas inconscients. Je penche pour la première solution." Il baissa les yeux sur Haven, un gros point rond au milieu de leur carte. "Ou en sommes nous de l'exploration des catacombes, a-t-on trouvé une sortie?
-Je n'ai pas plus de nouvelles que vous. Les hommes que nous avons envoyé pour fouiller ne sont pas encore revenus.
-Et si nous y allions ensemble ? Il semblerait que pour que les choses soient faites, il faille les faire soit même !"

En réalité, Inoë en avait assez de passer son temps penché sur la carte. Il voulait se sentir utile, il voulait faire quelque chose de ses dix doigts qui lui donnerait l'impression de vraiment agir, de faire avancer les choses. Mais pour une fois, c'est Medraut qui opposa une réponse calme, non sans avoir considéré la possibilité d'aller faire un tour en bas pendant de longues secondes. Un léger frisson, à peine visible, traversa ses épaules avant qu'il n'adresse à Inoë un signe de dénégation de la tête.

"Je ne pense pas qu'il soit opportun que je descende dans les catacombes. Non seulement c'est du temps que je n'ai pas, mais en cas de problèmes à l'extérieur, il faudra peut être des heures pour me joindre."

Etait-ce la véritable réponse ou avait-il simplement peur de remettre les pieds sur les lieux de la mort de Zakarius ? Mais Inoë n'ajouta rien. Après tout, l'argument n'était pas fantaisiste et il n'avait pas spécialement besoin de Medraut, dont les talents cartographiques étaient suffisants pour que l'intéressé s'y retrouve, mais qui égaraient à peu près tous les autres dans un mélange de lignes droites malfoutues et de symboles mystérieux que personne ne parvenait à comprendre sans explication.

"Dans ce cas, pourriez vous me prêter des hommes en plus de ceux qui sont déjà là dessous ? Au moins, nous aurons une chance d'avoir une carte correcte des passages praticables.
-Bien entendu. Prenez les dans l'ancien régiment, au moins il savent à peu près à quoi ça ressemble.
-Merci. Je partirai les rejoindre dès que j'aurai terminé la stratégie.
-Vous comptez établir une stratégie alors que nous n'avons pas encore de nouvelles d'Aélios ? Pour les Médicis, nous ne pouvons rien faire pour le moment. Pour les armes de siège, il va falloir s'introduire dans le camp lorsqu'il sera à l'arrêt et mettre le feu. Je déteste dire cela mais Kellen est la plus apte d'entre nous pour faire cela.
-NON !"
Presque aussi surpris que Medraut par sa voix forte -et légèrement plus aigue que d'habitude-, Inoë se racla la gorge et ajouta, beaucoup plus calmement : "On ne doit pas mettre sa vie en danger...
-Je sais, mais sa vie sera de toute façon en danger.
-On ne le DOIT pas !"

Qu'est-ce qu'il croyait, l'érudit à lunettes, que ça lui faisait plaisir ?

"C'est la plus discrète d'entre nous.
-Je sais...
-Je serais tenté de dire que nous devrions faire comme toujours et tous nous y rendre, déguisés en humains comme Lothro nous l'avait proposé pour Sérrébor," expliqua Medraut, avec le ton de celui qui explique quelque chose de très rationnel à un type un peu fantasque. "Mais si nous sommes découverts il ne restera plus personne pour Haven.
-Laissez moi y aller avec 4 hommes !
-Vous ?"

Profitant du silence dubitatif de Medraut, Inoë expliqua : "Pourquoi pas ? Je ne servirais a rien pendant le combat !" Il marqua une très courte pause et ajouta, l'air presque suave : "En revanche, je peux vous être utile maintenant...
-Êtes vous sûr de pouvoir le faire ?" insista le guerrier, apparemment plus concerné par les chances de survies de son compagnon que par son utilité présente. Inoë compris aussitôt qu'il avait touché juste : il y a quelques mois de cela, Medraut lui avait clairement fait comprendre qu'il le voyait comme un officier d'opérette aussi inutile que décoratif. Cet à priori pouvait à présent lui servir pour le convaincre de l'envoyer sur cette dangereuse mission.

"Il le faudra bien !" reprit-il, comme accablé par l'aspect inexorable, irrésistiblement logique de sa conclusion. "Je ne suis peut être pas le plus qualifié..." admit-il, "Mais je suis le moins utile à la ville en ce moment..."

Voyant Medraut hésiter, il se pencha légèrement en avant pour asséner le coup fatal : "Il faut a tout prix protéger Kellen... alors que moi...
-... ce serait beaucoup plus simple si Feness et ses frère étaient là," répondit Medraut. Ils restèrent quelques longues secondes à se regarder dans le blanc des yeux avant que le guerrier n'ajoute : "Je ne peux vous laisser partir seul."

Non, mais ça veut dire que tu es déjà prêt à me laisser partir, pensa Inoë. Il décida de porter la discussion sur les affaires de logistique avant que Medraut ne décide de s'interroger de nouveau sur ses capacités.

"Avant de parler de bruler les engins de sièges," déclara-t-il fermement, comme s'il avait déjà été définitivement décidé que l'opération aurait lieu et qu'il la commanderait. "Il faut que l'on trouve de l'huile ou du goudron afin d’accélérer les dégâts sur leurs chariots. Le plus simple serait qu'ils aient de la poix.
-Vous le trouverez probablement plus facilement chez eux que chez nous. Le problème sera surtout de pouvoir mettre le feu a plus d'un chariot et de vous enfuir ensuite. Ptolémor n'est pas stupide, il les fera garder.
-Vous êtes plus doué que moi pour les tactiques," avança Inoë avec une humilité feinte, "Auriez vous des avis a me proposer?
-Tant que je ne sais pas à quoi ressemble le camp de l'intérieur ? Pas vraiment." Il réfléchit quelques instants, puis repris : "Mais si j'étais un soldat ou un officier de Ptolémor... j'aurai du mal à vous prendre pour un soldat. Vous n'en avez ni l'apparence, ni l'attitude. J'espère aussi que vous avez un bon jeu d'acteur parce que même votre façon de parler vous trahirait."

Inoë se retint de sourire en coin.

"Ensuite, vous êtes un arqueni. L'armée de Sérrébor a beau être conséquente, je doute fortement qu'ils ne se reconnaissent pas entre eux. Vous avez de bonnes chances d'attirer la suspicion des officiers. Mais étant donné la taille de l'armée, leur camp sera assez grand et sans doute un peu éparpillé à cause des bois. Toutes les charrettes ne seront probablement pas placées au même endroit. Il faudra que vous le repériez avant de commencer pour aller de l'une à l'autre. Cela dit, je pense que vous devriez aussi mettre le feu à des tentes pour créer la panique. Choisissez les proches des enclos à chevaux et ouvrez les enclos en question. Votre meilleure chance est de provoquer une telle panique dans le camp qu'ils se marcheront dessus."

Il fit une nouvelle pause, les sourcils froncés comme à chaque fois qu'il réfléchissait intensément.

"... allumez des feux un peu partout pour leur faire croire que vous êtes très nombreux.
-La panique des chevaux me permettra d’accéder plus facilement aux armes de sièges," répéta Inoë.
"Voilà.
-Votre idée me plait."
Medraut acquiesça et reprit.
"Je pense qu'il faudra aussi repérer les unités de vétérans et mettre le feu là où elles ne se trouvent pas. Elles auront plus de chances de ne pas perdre la tête et de vous causer des problèmes. Si vous pouvez choisir les tentes, visez la nourriture et les dortoirs.
-Je suis d'accords.
-Une fois que la panique ce sera répandue, attaquez les armes de siège. Vous devrez avoir des tabards de Sérrébor... En fait c'est vraiment dommage qu'on ai enterré le Médicis. Son uniforme vous allait, je pense.
-Si on repère leurs latrines, la récupération de quelques tabards ne devrait pas poser de problèmes.
-A vous de voir. De quoi auriez vous besoin ?"

Booooooon, c'est fait. La mission était officiellement entre les mains d'Inoë !

"4 hommes, et une sortie des catacombes," résuma-t-il d'un ton neutre qui ne laissait en rien transparaitre son sentiment de victoire.

"Seulement 4 ?
-Moins nous seront nombreux, plus nous auront de chances de réussites.
-Très bien. Nous allons devoir obtenir l'accord de Kellen, mais avant cela, je voudrai vous poser une question.
-Je vous écoute.
-L'un de mes hommes a toute ma confiance pour ce genre de missions. Je sais aussi qu'il est presque déjà volontaire..."

...mais ? Parce que ça sentait le "mais" à plein nez !

"...cependant, s'il vous accompagne, vous serez présent en temps qu'expert plus que de commandant."

Medraut hésita et continua, lentement mais la voix calme, du ton apaisant et légèrement hésitant qu'il prenait lorsqu'il craignait de dire quelque chose de très, très vexant à quelqu'un qu'il n'avait justement pas envie de vexer.
"Sans vouloir vous vexer, Inoë, vous avez déjà montré par le passé que vous pouviez parfois être... téméraire."
Puis, il ajouta, très vite : "Et j'ai toute confiance en lui pour qu'il sache quand il faudra reculer. Si vous me jurez que vous le ferez s'il vous le demande, je vous fournirai des hommes."

Inoë pesa le pour du contre : d'un côté, il se doutait déjà du nom de la personne à laquelle pensait Medraut. S'il ne se trompait pas, Medraut avait raison et c'était le meilleur second qu'il pouvait espérer. D'un autre côté, il ne voyait pas encore là où Medraut voulait en venir, même si cela puait à plein nez le commandement partagé.

"Je comprends," répondit-il comme s'il comprenait, et surtout comme s'il ne se sentait pas vexé, malgré le rappel de son enlèvement humiliant par les fils de Léonéliam. "Si vous pensez qu'Ellias est le mieux placé pour commander alors soit..."

Il sut qu'il avait deviné juste lorsque Medraut continua sans même relever le nom.

"Je ne parle pas de commander..." expliqua précipitamment Medraut. A croire qu'il essayait de faire passer son ultimatum pour ce qu'il n'était pas : refiler le commandement à un humain alors qu'un arqueni était présent et, en prime, à l'origine du plan en question. "...mais Ellias connait personnellement les hommes que je vais vous confier. Il a l'habitude des missions de reconnaissance.
-Je comprends.
-Je sais que la plupart des arquenis se vexeraient de devoir l'écouter comme s'il était l'un des leurs. C'est justement pour éviter que cela arrive que je vous préviens maintenant."
Sans blague.
"Il a été former, et il est plus compétant que moi, je l’écouterais," affirma Inoë.
"Bien !" s'exclama Medraut, comme surpris qu'Inoë n'ai pas fait un caca nerveux pour refuser ses conditions. Cela ne semblait pas diminuer son inquiétude pour autant, mais Inoë n'avait aucune envie de s’appesantir sur le sujet. "Croyez moi, je ne vous l'impose pas que nous sommes proches, mais bien parce que je crois qu'avec lui vous pouvez réussir. Je lui confierai ma vie.
-Y a-t-il autre chose a rajouter? Peut être devrais-je rejoindre nos troupes dans l'exploration des souterrains."
Medraut acquiesça, lui promit de l'informer si des nouvelles de leurs alliés leurs parvenaient, puis il se séparèrent.



Note pour le meujeuh : Inoë totalise 3 réussites à son jet de stratégie pour avoir des idées géniales en lisant les missives.

Fa-Aenor entra comme une pierre de catapulte dans la pièce. Il porte une besace débordant de lettres, une bouteille d'encre, une plume, et son marteau à sa droite.

[color=red]Messieurs, je ne voudrais pas vous déranger dans vos considérations tactiques. J'ai pas mal de choses à faire en ce moment et j'attends plus d'une missive urgente. Par ailleurs, ma protégée s'est enfuie et j'ai bien envie de lui courir pour lui apprendre la politesse même si elle a sans doute voulu bien agir. Si vous avez besoin de moi pour le conflit du moment, je reste là en attendant histoire d'être accessible. [b]

[b] Quelques instants plus tard...


Bon Messieurs, ça ne va pas. Il faut absolument que je retrouve Leonelia avant que Ptolémor ou Leoneliam n'arrive. Medraut me prêtera sans doute quelques éclaireurs. Je reviendrais au pire au matin du 4ème jour depuis l'annonce de l'attaque. Halangriel et Ingowen me protègeront pendant ce voyage, je pars m'équiper départ au plus vite.

[HRP: j'ouvre un autre topic pour la poursuite si tu es d'accord Meujeu ]

Parfois, les dieux décident de ne pas laisser les évènements se dérouler comme on le souhaiterai. Ainsi, alors que Fa-Aenor proclamait son désire de rattraper sa fiancée, une fine silhouette se profila derrière lui. Un silence de plomb s’abattit sur la pièce jusqu’à ce que, surpris du silence de Medraut et Inoë dont les regards convergeaient vers la porte, le prêtre ne se tourne à son tour vers l’entrée. Kellen se tenait face à eux, voilée d’un blanc qui rendait ses yeux d’autant plus luisants au cœur de son visage diaphane.

« Que se passe-t-il, ici ? » demanda Kellen, son regard sautant vivement de la carte à la tenue de voyage de Fa-aenor, en passant par les rouleaux dépliés devant Inoë.

Medraut se redressa et désigna les parchemins : « J’ai reçu les rapports des éclaireurs. Les Médicis avancent par l’ouest avec une troupe forte de 300 cavaliers en armures lourdes. Ils devraient arriver ici au cinquième jour de la semaine de l’éveil. Ptolémor lui-même sera là le sixième jour avec 600 troupes d’infanterie dont deux régiments de vétérans, 400 cavaliers et un nombre indéterminé d’engins de sièges estimés à « beaucoup » par les éclaireurs. Nous ne savons pas encore ce qu’il en est de l’armée d’Aélios, ni ce que nous pouvons espérer des Vandire. »

Il se tourna légèrement vers Inoë et reprit.

« Inoë et moi-même discutions d’un plan éventuel pour diminuer la force de l’armée de Ptolémor avant qu’elle ne soit à nos portes. L’idée était de saboter leurs armes de siège.
- Il a été décidé que le prêtre, le régent et le chef de l'armée étant trop précieux pour risquer leur vie sur une mission aussi folle, » ajouta Inoë, très, presque trop rapidement. Il ne s’était pas attendu à ce que Kellen et Fa-Aenor débarquent aussi vite, avant qu’il n’ai eu le temps de vraiment aiguiser ses arguments pour convaincre la régente. « C’est donc moi qui vais me charger de cette mission. »

Fa-Aenor répondit le premier, d’un ton qui laissait entendre que trop de choses l’inquiétaient pour qu’il soit totalement concentré sur la mission. Avec le bagou d’Inoë, ça pouvait passer, et s’il s’en sentait capable, pourquoi pas ? Son soucis du moment était Léonélia et lui paraissait tout aussi, sinon plus urgent. Si Léonéliam arrivait avec son armée et découvrait que la gamine avait disparu, sa réaction pouvait être catastrophique…

Inoë continua sur sa lancée. S’il se faisait arrêter, il serait parfaitement capable de se faire passer pour l’un des leurs. Un officier, peut être ? Bien sûr, il y avait le risque de croiser un arqueni, mais sur une armée de plus de mille hommes, il devrait bien être possible de se fondre dans la masse. Medraut ajouta que, malgré les risques, Haven ne pouvait se passer d’une telle action, sans quoi leur barricade déjà fragile ne tiendrait jamais.

« Qui a décidé de cette mission ? » coupa Kellen alors que Fa-Aenor acquiesçait aux paroles de deux hommes. "Pourquoi le stratège irait aux devant de l'ennemi ? C'est une mission très importante pour la survie de la ville et il n'est pas le plus qualifié pour ça !
-Une fois la stratégie arrêtée, le stratège ne sert plus à rien, » avança Inoë.
« C'est faux, » le contredit immédiatement Kellen. « La stratégie évolue en permanence. Je ne suis pas d'accord pour te sacrifier avec aussi peu de chances de réussite. Je suis faite pour le terrain. »

Ils comprirent tous ce qu’elle impliquait, mais Fa-Aenor fut le plus rapide pour s’engager sur ce terrain. Le bruit de son marteau résonna dans la pièce lorsqu’il le posa sur le plancher, indiquant qu’il n’était plus question de partir immédiatement à la recherche de Léonélia.
« Jusqu’où va votre pouvoir, Kellen ? Pour le moment, nous n’en avons eu que des aperçus…
-Il est suffisant, » répondit-elle, évasive.
« C'est-à-dire ? » insista le prêtre. Sa voix lente, calme et mesurée reprenait les intonations qu’il utilisait lorsqu’il prêchait. Un mélange d’autoritarisme et d’une profonde volonté de compréhension de ce qui l’entourait. « Concrètement, que savez vous faire ? Et jusqu’à où ?
-Seuls les dieux le savent exactement, mais en tout cas, mes talents naturels me permettent de me fondre dans la nuit.
-C’est un argument de poids, mais que faisons nous si tu es capturée ou tuée ? » demanda Medraut. Il était clair à son expression tant qu’à son ton qu’il considérait cette éventualité avec une inquiétude qui tenait plus d’un effroi personnel que de la légitime angoisse d’un vassal pour sa suzeraine.
« Je suis incapturable avec mon pouvoir de déplacement instantané, » affirma Kellen. Elle affichait une telle confiance en elle que, sur le coup, personne ne pensa à contester ses dires. Ils n’effaçaient pas les mines soucieuses de Medraut et Inoë, mais suffirent, en tout cas, à convaincre Fa-Aenor. Le prêtre s’assit sur l’une des chaises de bois autours de la table et, pensif, caressa plusieurs fois sa barbe de ses longs doigts.

« Ma foi, » finit-il par dire, « Je pense qu’on peut essayer.
-Le nombre de déplacement est-il limité ou non ? » s’enquit Medraut, apparemment peu décidé à laisser tomber ou, tout du moins, déterminé à avoir toutes les cartes en main avant de laisser sa fiancée faire tout le travail.
« Et que lui coute t il? » ajouta Fa-Aenor.
« Que te coute de prier pour Halangriel ? » rétorqua Kellen. « Pour l'instant, » dit-elle ensuite en se tournant vers Medraut. « Je n'ai jamais eu de barrière pour mes pouvoirs
-Un pouvoir se fait toujours en échange d'autre chose, » contra aussitôt Fa-Aenor, la mine grave. « Je peux voir l'au dela et les autres mondes mais à un prix risqué. Prier demande du temps et de la concentration. Utiliser de la magie divine demande du temps et de l'énergie. Voir au delà, voyager dans d'autres plans demande du temps, de la santé et de la stabilité mentale. On peut y rester très facilement. C'est pour ça que je voudrais savoir ce que cela te coute.
- Ca me demande un effort de volonté, » précisa évasivement Kellen.

Un silence gêné pesa autour de la carte avant qu’Inoë ne tente une nouvelle fois de convaincre les autres : si elle échouait, tout retour serait impossible. La ville ne pouvait se permettre de payer un tel prix !

« Veux tu m'empêcher d'aller là bas parce que tu craint que je meurs et donc que toi aussi ???? » s’énerva Kellen. Ses yeux rouges, sous l’ombre de ses sourcils froncés, dardaient sur le guide un regard inflexible. « Tes protestations ont-elles un autre but que de te protéger ?
-Non, je ne me protège pas car mon pouvoir est limité dans l'espace, » se défendit Inoë sans perdre de sa contenance. « Mais je ne peux me permettre de perdre un autre régent...
-De toute façon, » l’interrompit la jeune fille, « ma confiance en toi vacille depuis que tu as entrepris tout ça sans m'en parler avant alors que j'étais concernée.
-Il n'a jamais été question de lancer la mission sans ton accord, » expliqua Medraut, presque choqué qu’on ai pu croire qu’il ferait quoi que ce soit sans l’autorisation de la régente. Inoë s’empressa d’abonder dans en ce sens, mais c’est finalement Fa-Aenor qui, se relevant et carrant les épaules,

« Paix Messieurs, Paix! » s’exclama-t-il en prédicateur. « Nous n'avons pas le temps de nous disputer! Il y a assez de travail pour tous. Je propose un vote pour clore cette discussion afin que nous puissions passer aux autres points. »

Kellen se tourna vers lui et, le menton haut et le dos droit comme une planche, déclara : « La question est close. » Quatre mots, une phrase définitive, sans appel, une déclaration qui en disait long sur l’influence que le discours de Fa-Aenor avait eu sur elle, c'est-à-dire aucune.
Le prêtre pinça les lèvres.
« Comment ça?
-Nous ne sommes pas en démocratie participative. Je me plierai aux décisions de la régente... » s’empressa de préciser Inoë. Fomenter des plans pour protéger Kellen contre elle-même passait encore, s’engager sur le chemin de la contestation officielle allait trop loin. Et il avait bien vu ce que cela pouvait donner avec Sineus !

« Inoë n’ira pas, » affirma Kellen, comme si le concerné n’avait rien dit.
« La question n'a pas été tranchée, il me semble, » répliqua Fa-Aenor. « Je suis d'accord sur le choix de kellen de partir, mais j'aimerai qu'on puisse clore les discussions quand tout le monde est d'accord. Tant de poids sur les épaules d'une fille de 16 ans me parait un peu trop lourd à porter
et par ailleurs, notre opinion compte aussi. J'aimerai donc que cesse ces décisions arbitraires et permanentes.
-Notre opinion compte, certes, mais le régent a toujours le dernier mot, » répondit Inoë. « Même si je ne suis pas d'accord avec l'idée d'envoyer Kellen, » et même si cela semblait lui déplaire au plus haut point, « je me tairais.
-Parles pour toi si tu le souhaites ! Nous n’avons pas eu l'occasion de choisir et ça, c’est inacceptable ! Je suis d'accord pour envoyer Kellen mais toute régente qu'elle soit, elle n'a pas à m'interdire d’avoir voix au chapitre ! A son âge j’affrontais déjà des entremorts alors qu'elle n'était même pas née… donc non pour ma part, elle n'a pas aucun droit pour clore les discussions comme elle le fait.
-Alors que proposes tu ? demanda Kellen.
-Tu peux y aller, je suis d'accord. Mais personne ne m'empêche de choisir ou de parler. Tu te débrouilles très bien en tant que régente et je n'ais pas eu grand chose à redire jusque là. Cependant nul n'a le droit ou même le pouvoir de m'empêcher de parler ou de faire mes propres choix, personne."

Kellen le fixa pendant quelques secondes, puis se détourna de lui et déclara, sans jamais le regarder : "Je te remercie, Fa-Aenor, de nous avoir fait perdre du temps, et ce pour nous dire que tu es d'accord. Enfin bon passons...."

Elle leva les yeux vers Medraut, le dernier à ne pas avoir donné d’avis définitif.

« Je me plierai à ta décision. Je pense que les deux solutions ont des arguments pour elles, » dit-il lentement. A croire que ça lui faisait presque mal de l’admettre. « Mais si tu juges que tu es plus capable et que tu veux le faire, je ne t'en empêcherai pas. »
Il hésita un instant avant d’ajouter qu’il avait proposé à Inoë l’aide d’Ellias. Elle ne releva pas et Medraut se demanda s’il était le seul à trouver l’idée embrassante.

« Bien va pour Kellen dans ce cas. Je ne suis pas en excellentes relations avec Ingowen mais il répond à mes prières.
-Volontiers, merci Fa-Aenor. N’hésites pas à demander l’aide de Lothro.
- Quel est le plan au juste? »
Medraut résuma rapidement ce qui était sorti de sa conversation avec Inoë :
"Je pense qu'il est nécessaire de perturber l'ordre du camp avant de pouvoir approcher les armes de siège, qui seront probablement gardées. Pour cela, je proposais à Inoë de mettre le feu à plusieurs endroits en même temps et à des endroits stratégiques : près des tentes abritant des troupes non vétérantes, près du corral à chevaux. Une fois que la panique règnera dans le camp, je pense que tu pourras t'approcher plus facilement des armes de siège.
-Ca m'a l'air un bon plan, » approuva Fa-Aenor, « mais honnêtement je proposerai que deux personnes s’y rendent. A vrai dire… Inoe est bon pour convaincre et Kellen pour passer inaperçue avec son pouvoir. Par ailleurs, Kellen est beaucoup plus reconnaissable vu ses yeux et ses cheveux. Je verrai donc Kellen pour le travail de diversion et Inoe comme espion une fois que la panique sera créée.
-Je pense que l'idée de Faenor est à creuser, » avança Inoë. « Si nous y allons à deux équipes, cela pourrait être plus efficace.
-Tu vas me gêner, Inoë, » déclara Kellen sa prendre de pincettes. « Je ne compte pas me fondre dans la masse. Personne ne me verra, pas de déguisement.
-Et les hommes qui seront avec toi ?
-Un seul homme.
-Cela ne me parait pas suffisant, » lui fit remarquer Inoë.
« Je verrais avec Medraut, » rétorqua Kellen.
« D'accord, mais sachez que je suis toujours disponible pour vous aider…
-Je ne te fais plus confiance pour ce qui est du terrain, Inoë, » le coupa Kellen avant qu’il n’ai eu le temps d’en dire plus. «Et je ne peux pas dissimuler d'autres personnes pour couvrir tes erreurs.
-Mais alors avec qui veux-tu partir? » demanda Fa-Aenor.
« Ellias viendra avec moi. Inoë, arrête d'insister, s'il te plait, tu ne viendras pas, un point c'est tout. »

« Plus une masse humaine est nombreuse, » expliqua Fa-Aenor, pensif, comme déroulant le fil d’une idée qui lui venait au fil de ses paroles. « Plus elle attire les créatures fielleuses. Je pourrais peut être "convaincre" une ou deux créatures d'attaquer l'armée de Ptolémor pendant son trajet. Une série d'attaque de ce genre devrait semer pas mal la confusion tout de même…
-Arrives tu vraiment à contrôler les créatures du fiel ? » s’étonna Inoë.
« C'est une bonne idée, » approuva Kellen, « mais n'est-ce pas risqué pour toi ?
-Je ne pense pas pouvoir les contrôler, mais je pense pouvoir communiquer avec elles. Quant à entrer en contact à distance… ça m’a l’air possible. Mais je viens de recevoir mon don divin. Je ne mesure pas encore l’immense étendue de ce pouvoir… »


Suite de l’ordre du jour :
-A la recherche de Léonélia
-Comment s’attaquer à Ptolémor ?

Suite du conseil de guerre

« N'y a t il pas de risque que cela se retourne contre nous ? » demanda Kellen.
« En fait... » hésita Fa-Aenor avant de détourner légèrement le sujet. « De toute façon une masse d'hommes aussi nombreuse attire le fiel. Il faudrait juste que je l'attise un peu, je crois…
-Est ce que vous avez une idée du nombre de bannières dont ils ont besoin pour se prémunir du fiel avec une armée aussi vaste ? » insista Kellen. Elle ne prêta aucune attention à l’air contrit d’Inoë.
« Hm... Je ne pense pas qu'une seule bannière leur serait suffisante, » répondit Fa-Aenor.
« Ce serait bien de leur en subtiliser pendant l'assaut nocturne, non ?.
- Tu m'as compris, ma chère Kellen. »
Elle réprima un sourire et reprit avec gravité.
« Tu es sûr que tu ne risques rien en attisant la colère du fiel ?
-Hmm… Comprends bien que cette histoire de fiel est une expérimentation. Il vaudrait mieux ne pas baser trop d’espoirs sur ce plan…
-Je pense vraiment, » l’interrompit Medraut, « que nous ne devrions pas parler de cela sans Lothro. Nous savons qu'il a déjà de l'expérience dans ce domaine alors que Fa-aenor n'en possède pas.
-Je suis d'accord, mais la Vision du Néant est quelque chose qu'il ignore complètement, » rétorqua Fa-Aenor avec suffisance.
Medraut ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose qui, au vu de son expression, devait être plutôt déplaisant envers le prêtre, mais Inoë eu le bon sens ou la chance de l’interrompre avant qu’il ne le fasse.
« Je ne pense pas que voler une bannière sous le nez de Ptolémor soit une bonne idée... ce sont les objets les plus précieux du camp, je suis certain qu'ils seront défendu bien plus que tout le reste. »
Fa-Aenor haussa les épaules.
« Si l'occasion se présente, ma Foi...je ne vois pas pourquoi elle s'en priverait.
-Je tiens a préciser que pendant mon incursion nocturnes, » ajouta Kellen, « je vais essayer de repérer si par chance, les trois arquenis que nous avons envoyés en éclaireurs à Sérrébor n’auraient pas réussi à s'infiltrer dans leur armée.Iils seraient d'une aide de choix s'ils ont réussi à survivre.
-Je n’y vois pas pas d'objection, » acquiesça Fa-Aenor.
« Je pense que tu devrais demander à Ellias de se renseigner pour toi, » proposa Medraut. « C'est un humain, personne ne fera attention à lui s'il a le bon tabard.
-Je compte beaucoup sur lui pour cette mission, » approuva Kellen.
« Je suis assez d'accord, » dit Inoë sans perdre son air sombre et déprimé. « Ils seraient un atout de poids si on arrivait a leur faire comprendre de semer la zizanie au moment cruciaux de la bataille.
-Je serai surtout soulagé de les savoir en vie, » lui fit remarquer Medraut, comme s’il était évident que c’était le but premier de l’opération.
-Pareil, » dit Kellen.
« Il ya cependant un autre souci qui me ferait dire que notre régente ne devrait pas trop perdre de temps… » avança Fa-Aenor. « Comme je l’ai dit précédemment, la masse humaine va attirer des créatures qui vont rôder autour des bannières de Ptolémor… or notre régente va se déplacer seule…
-Ah, tu as peur que je me fasse attaquer par le fiel ?
-Tu m’as compris.
-Je comprends ton inquiétude et j'en suis touchée
-C’est normal.
-Je peux t'assurer que je prendrai toutes les précautions nécessaires pour agir le plus vite et le plus efficacement possible.
-Je ne pense pas que le fiel soit le problème principale, » intervint Medraut. « Il est évident que Ptolémor a prévu des défenses. Tant que Kellen sera dans le camp, elle aura toute l'armée de Ptolémor pour la protéger.
-Mais c'est justement la raison pour laquelle j'aurai tendance à te déconseiller de partir à la recherche des 3 autres arquenis à l’extérieure du camp car tu ne seras pas protégée par l'armée de Ptolémor dans ce cas.
-L’enquête sera faite par Ellias, » déclara Kellen sur le ton de la finalité. « Je ne partirais pas à leur recherche, mais si Ellias ou moi les voyons j'en profiterai, sinon tant pis.
-Ma foi, si Kellen s'en sent capable... disons que ça va faire une mission longue et je ne suis pas sûr qu'en ce cas elle ait le temps de le faire.
-De toute façon, » répondit Medraut à Fa-Aenor, « pour que Kellen remplisse sa mission, il faut qu'elle connaisse l'organisation du camp. Elle ne peut pas courir au hasard au milieu des tentes en espérant tomber sur ce qu’elle cherche. Quoi qu'il arrive, Ellias devra déjà s'être renseigné. Nous ne perdons rien en lui demandant d'ouvrir l'oeil pour nos trois arquenis. Il connait leur visage, en plus."

Kellen et Inoë abondèrent dans son sens, mais cela ne suffisait pas à apaiser les doutes du prêtre.

« Rien ne dit qu'ils sont avec eux ceci dit, à moins qu'ils ne se soient fait capturer ou qu'ils n'aient fait preuve d'une... surprenante initiative!
-Pas si surprenante, » expliqua Medraut. « Pour survivre à la lune sanglante ils devaient être dans la ville. Je ne pense pas que la destination de l'armée soit un secret à Sérrébor...
-Les connaissant, je doute qu'ils soit restés passif a attendre de voir le fiel venir, » ajouta Inoë. « Ils ont du demander l'hospitalité a la ville... et en temps que mercenaire, peut être ont-ils rejoint leur armée, mais ils nous ont juré fidélité, et cela, Ptolémor ne le sait pas
-Tu crains un changement de camps ?, » demanda Kellen.
-C’est une possibilité, » répondit Fa-Aenor, « mais à mon sens les retrouver ne doit pas être l'objectif prioritaire car Kellen n'aura pas trop de temps. »

Medraut leva les yeux au ciel, franchement agacé par les interventions de Fa-Aenor à ce point de la discussion. Est-ce qu’à force d’avoir à répéter trente six fois la même chose aux paysans pendant ses messes, il en était venu à croire qu’il fallait qu’il martèle ses idées dans la tête de ses compagnons ?

« Dans tous les cas, ça ne sert à rien d'échafauder des théories dans le vide puisque nous ne savons pas, » coupa Kellen après avoir coulé un regard en coin vers son fiancé. « Passons su sujet suivant. Ou est Léonélia ?
-J'ai envoyé deux éclaireurs à sa recherche. J'aurai voulu en envoyer plus mais nous n'avions pas d'hommes supplémentaires à affecter à cela.
-Quand ?
-Dès que nous avons appris sa disparition. Je n'ai pas encore eu de nouvelles de leur part.
-Donc Léonélia, » intervint Fa-Aenor. « Je vous avoue que je partirai bien à sa recherche.
-C'est ce qu'on a cru comprendre quand vous avez débarqué tout à l'heure en criant, » murmura Medraut avec aigreur, mais le prête continua comme s’il ne l’avait pas entendu, probablement trop occupé à écouter sa propre voix de l’avis du chef de l’armée.
« … Histoire de la ramener avant que son père n'arrive. Ca risquerait de... faire désordre et on a trop besoin de ses troupes pour ne pas mettre les moyens. Je ne pense pas être d'une grande utilité à Haven de toute façon. Je peux tenter d'entrer en contact avec les créatures du fiel mais... c'est assez expérimental et je pense que retrouver Léonélia est plus important.
-Je suis assez d'accord sur le fait que la ramener est une priorité. Je trouve ça étrange que les éclaireurs ne soient pas revenus encore, ils auraient du la rattraper.
-Léonélia pourrait être n'importe où autour de Haven. Il est aussi possible qu'ils l'aient retrouvée et soient en chemin, » répondit Medraut.
« C’est possible bien entendu mais rien n'est certain. Je la verrais plutôt mettre le cap sur Ptolémor . En tout cas c'est ce qu'elle a dit dans sa lettre, » rétorqua Fa-Aenor.

Medraut ne demanda pas si Fa-Aenor avait une idée exacte de la qualité du sens de l’orientation de Léonélia et de ses capacités à se déplacer seule d’un point A à un point B sur un terrain accidenté couvert d’arbres cachant l’horizon : il était certain que s’il ouvrait la bouche maintenant, il risquerait de dire quelque chose d’extrêmement vexant.
« Cependant Fa-Aenor, tu ne dois pas te faire prendre par l'ennemi avant la bataille ni tomber sous les coups du fiel, tu dois être extrêmement prudent, » l’enjoignit Kellen. « Ta présence comme celle de chacun d'entre nous sera déterminante pour la bataille, alors ne joue pas au héros, je compte sur toi.
-Je n'ai pas l'intention de jouer aux héros. Mes exploits se font… ailleurs. » Inoë et Medraut se jetèrent un regard en coin en retenant un rictus. « Deux éclaireurs viennent de revenir je crois?
-Quatre, » corrigea Medraut. « Un autre doit revenir de la mine. Mais je pense que nous devrions renvoyer au moins un éclaireur vers chaque armée pour être informés de leur avancement. Je propose donc d'envoyer deux éclaireurs supplémentaires pour Léonélia et d'envoyer les deux autres vers les armées. »
Kellen acquiesça, puis Fa-Aenor ajouta qu’il partirait avec eux et, qu’avec l’aide d’Ingowen, il s’en sortirait. Medraut retint une nouvelle remarque acerbe lorsqu’il explique qu’il partirait sans bannière pour ne pas attirer les entremorts. Après s’être tous accordés pour dire que Kellen ne pouvait pas partir avec la bannière, comment Fa-Aenor pouvait-il croire que qui que ce soit la lui aurait confiée ?
« Opération sauver Léonélia acceptée et validée, » clama Kellen. « Inoë ... qu'y a t il ? Nous voyons tous ton malaise. »

En effet, au cours de la discussion, Inoë s’était fait de plus en plus silencieux et sa mine de plus en plus sombre.
« ce n'est rien... je n'arrive pas a voir dans nos actes autre chose qu'une bravade face a une fin inéluctable... nous affrontons des ennemis en surnombre et bien mieux formés que nous, nos alliés sont au diable vauvert, et tout sembler jouer en notre défaveur.
-On a fait plutôt des choses extraordinaires ses derniers temps, » répliqua Fa-Aenor en haussant les épaules. « Je ne vois pas pourquoi on ne réussirait pas une fois de plus
-Ton attitude me déçoit, » rétorqua Kellen comme si le prêtre n’avait rien dit. « Ce n'est pas digne d'un stratège. J'en suis surprise, d’autant plus qu’avec Fa-Aenor près de nous, nous sommes protégés par les dieux
-Ma chère Régente, j'ignorai que les choses de l'au delà vous passionnaient à ce point!
-J'ai conscience de leur poids.
-Je n'ai pas l'intention de partir, » se défendit un Inoë aussi pourpre que le blason des Amandiel. « Pas plus que je n'ai l'intention de mourir sans combattre… je dis juste qu'au vu des informations que nous avons réunis nos chances de réussites sont trop mince…
-Et vous pensiez qu'on n’avait pas déjà remarqué ? » grinça Medraut. Entre les remarques de Fa-Aenor dont le seul but semblait être de rallonger la réunion et l’abattement d’Inoë, son agacement atteignait de nouveaux sommets à chaque dizaine de minutes qui s’écoulait. Kellen posa une main apaisante sur son bras, mais Medraut en était à décider que le prochain conseil de guerre se ferait en comité plus réduit –c'est-à-dire, avec ceux qui pouvaient vraiment être utiles à la discussion.
« Un seul grain de sable peut faire pencher la balance, » déclara Kellen. « Je le sens gravé dans mon être, il y a un bon coup à jouer, je suis sure qu'une fin heureuse est possible.
-On a voyagé à travers les plans, affronté un vampire, » Medraut sera les dents à cette affirmation. Il voulait crier : il s’appelait Zakarius, et s’il avait voulu te tuer, il l’aurait fait sans difficulté ! « … failli soigner un Lycan et sa victime… on peut bien faire mieux encore !
-Si seulement nous avions plus de nouvelles de nos alliés... » soupira Inoë d’une voix plaintive. « Sait-on seulement ce que prépare Aelios, ce que nous enverra Arnapole ? Ce que signifie la venue de 300 chevaliers en armure lourde du clan Médicis ?
-Ecoute Inoë, » riposta une Kellen en perte de patience. « Qui sommes nous ? Des arquenis ! Nous sommes ceux par qui l'espèce humaine toute entière perdurent grâce aux donc reçus des dieux. Nous sommes une lumière dans la nuit, nous incarnons l'espoir pour le peuple. Si tu baisses les bras avant la bataille comment veux tu que notre ville soit galvanisée par le combat ! Tu dis que tu veux combattre alors soit en fier et ne va pas à la mort, c'est vers la victoire qu'il faut aller. Aller la chercher même si l'atteindre est difficile !
-Je n'ai pas l'intention de me rendre sans combattre, et je me battrais avec toute la rage du désespoir, mais j'ai aussi peur... peur pour Léonie, peur pour notre enfant à venir, peur pour vous, aussi... nous sommes cousin, et par bien des cotés, vous me rappelez ma sœur, que je n'ai su protéger... a ce jour, je n'ai pas revu ma sœur depuis qu'elle a été emmener par les sœurs, mais notre sœur d'Athma m'a annoncer que je la reverrais bientôt, j'ai l'intention de vivre pour voir ce moment.»

Et c’est ça, l’homme qui se prenait pour un chef de guerre et voulait diriger l’armée ? pensa Medraut.
« Inoe tu serais inconscient de ne pas avoir peur. Cependant la peur doit être un moteur et non pas un blocage. Tu dois tourner ton regard vers l'espoir…
-Dans ce cas, permettez moi d'atteindre Ptolémor et de le tuer, » déclara Medraut, excédé par la tournure de la conversation. « Si nous pouvons le faire tôt dans la bataille, cela nous évitera bien des morts. Nous ne pouvons pas rivaliser avec son armée. Nous ne savons pas si nous le pouvons avec Aélios. Mais je crois que j'ai une chance face à lui. »

Et surtout, vous commencez sérieusement à me donner envie de tuer quelqu’un.
« Ma Foi. Ptolémor sait que son ... mercenaire a été vaincu haut la main. Par ailleurs il semblerait d'après des courriers que j'ai reçu que ce n'est pas une brute de base. Il est au contraire intelligent. Même si ça ne se vois pas forcément en revanche il ne m'a pas l'air très... stable on va dire. Si je retrouve Léonélia, assez rapidement plutôt que de me concentrer sur les entremorts je pourrai tenter d'entrer en contact avec son esprit pendant qu'il dort par exemple et le dérègler un peu… ou beaucoup... en fonction des facilités bien sûr. »

Je, je, je, vous n’avez donc que ce mot à la bouche, Fa-Aenor ? Je n’ai pas besoin de vos tours !
« Il est instable dis tu ... dans le même genre que Medraut ? Pardon mon Amour mais c'est vrai qu'en combat, tu es assez excité, ne le prends pas mal.
-Je ne dis pas le contraire. »
Après tout, je suis en train de me demander si Fa-Aenor serait moins agaçant une fois décapité.
« En combat je ne sais pas je ne l'ais jamais vu combattre mais il ne m'a pas l'air très solide mentalement, » dit Fa-Aenor.
« Il me paraissait très lucide à Aelios, » lui fit remarquer Medraut.
« Justement non, qui irait violer une fille pour se trouver un héritier?
-Ce n'est pas ce que je dis, » riposta Medraut. Après tout, il ne se souvenait pas avoir vu Ptolémor en train de violer Léonélia sur la table du conseil. « Je dis que quand je me suis retrouvé face à lui, il ne me semblait pas... pas comme moi, on va dire.
-Certes. Je veux dire par là que si je dois... m'introduire dans son esprit ou provoquer des visions ou autres. Je ne pense pas qu'il soit capable de résister si la distance n'est pas un trop grand handicap... bien sûr comme je l'ais dit auparavant. C'est à titre expérimental et je ne garantis rien. Mais je crois que quelques visions bien senties. Quelques troubles. Une excitation nerveuse le rendraient bien moins... vindicatif.
- Et comment penses-tu provoquer ces visions ? » s’emporta Medraut.
-Je n'ais pas encore essayé en pratique toutefois... je vois et fais des choses que personne jusqu'ici n'a réussi…
-Et ? Ce n'est pas parce que personne ne l'a déjà fait que tu vas réussir à le faire ! » clama Medraut, excédé. « Si tu échoues et que tu restes coincé dans sa tête, qu'est-ce qu'on fait ? Ou si tu te retrouves à l'affronter dans un plan qui ne t’avantage pas ?
-Ce n'est pas comme cela que cela marche, mais je vois ce que tu veux dire… » se défendit Fa-Aenor.
-Ah oui ? Et tu sais comment ça marche ? » demanda Medraut, dubitatif.
-Pas concrètement… mais ça ne m'a pas l'air dangereux d'essayer… le danger est plutôt quand on pars vers des mondes merveilleux…
-Des mondes merveilleux ???? » s’étonna Kellen.
« Mais je ne voudrais pas alourdir le conseil par des considérations de…
- Ca ira Fa-Aenor, merci, » coupa Kellen avant que Medraut ne s’énerve vraiment. Le guerrier inspira profondément avant de continuer.

« Dans ce cas, pouvez vous faire un essai avant de vous attaquer à Ptolémor ? » demanda-t-il, déterminé à ne baser aucune stratégie sur les allégations de Fa-Aenor avant qu’il n’ai prouvé qu’elles étaient bien du domaine du possible.
-C'est possible bien sûr… cependant ça va ralentir le départ à la poursuite de Leonellia. Si je la retrouve assez vite. Je pourrais toujours le faire avant l'affrontement.
-Tu feras le test une fois rentré, » décida Kellen. « Dans la stratégie que vous allez préparer, Medraut et inoë, vous devrez prévoir des mouvements de troupes et d'arquenis pour que Medraut puisse se retrouver facilement sur Ptolémor, ça ne m'enchante pas vraiment, cet homme est fort comme un monstre des anciens temps mais bon, je pense que cette une bonne solution pour éviter un bain de sang.
-Je ne suis pas sûr qu'il soit si fort que ça sans son frère. Personne ne peut être naturellement aussi fort qu'il l'était à Aélios, » tenta Medraut pour la rassurer. En réalité, il espérait qu’il avait raison, pour sa propre survie.
« Il a certainement d'autres prêtres capables de le renforcer, » lui fit remarquer Kellen. « Mais Fa-Aenor sera la aussi pour t'épauler.
- Je ferais de mon mieux, » assura Fa-Aenor.

Peut être, pensa Medraut, mais si je le tue, ne compte pas sur moi pour en partager l’honneur avec toi !



Questions au Meujeuh :
-Combien de bannières seraient requises pour protéger une telle armée ?
-Combien d'ambres Medraut a-t-il obtenu en allant chercher l'autre bannière ?
-Que pense Lothro du fait d'attiser le fiel ?